La vidéosurveillance intelligente fera ses premiers pas aux JO et sera expérimentée jusqu’en juin 2025https://www.lemonde.fr/sport/article/2022/12/22/la-videosurveillance-intelligente-fera-ses-premiers-pas-aux-jo-et-sera-experimentee-jusqu-en-juin-2025_6155402_3242.html
La vidéosurveillance intelligente fera ses premiers pas aux JO et sera expérimentée jusqu’en juin 2025
Un projet de loi, adopté en conseil des ministres, comporte un certain nombre de dérogations ou d’expérimentations en matière de sécurité, publicité, ou transport.
Par Philippe Le Coeur Publié le 22 décembre 2022 à 13h00, modifié le 07 avril 2023 à 14h31
Le projet de loi relatif aux Jeux olympiques-paralympiques propose de tester la mise en œuvre d’algorithmes d’intelligence artificielle en appui de caméras de vidéoprotection afin de détecter « des situations anormales ». FRED TANNEAU / AFP
Officiellement, c’est un texte ne recélant que des « points très techniques ». Avec un objectif : procéder à des aménagements législatifs jugés nécessaires au bon déroulement des Jeux olympiques et paralympiques en 2024 (du 26 juillet au 11 août, puis du 28 août au 8 septembre). Que cela concerne le cadre des compétitions, mis aussi – voire surtout – l’environnement de l’événement.
Le projet de loi relatif aux Jeux, qui a été adopté en conseil des ministres jeudi 22 décembre, et qui sera soumis au Sénat en janvier 2023, consiste à faire adopter, à travers dix-neuf articles, une succession de dérogations ou d’expérimentations.
Au-dela de leur technicité revendiquée, un certain nombre de ces dispositions – dont le vote par le Parlement est attendu au premier semestre 2023 – pourraient cependant avoir une portée loin d’être anodine. Il en va ainsi en matière de sécurité, l’un des enjeux majeurs de ces Jeux.
Si le recours à la reconnaissance faciale est explicitement exclu dans le texte du projet de loi, celui-ci propose d’instaurer un cadre juridique « expérimental et temporaire » pour « améliorer » les dispositifs de vidéosurveillance, en mettant en œuvre des algorithmes d’intelligence artificielle aptes à détecter « des situations anormales ». Cela concernera les lieux accueillant les compétitions mais aussi les moyens de transport.
Le temporaire s’étendra néanmoins bien au-delà des seuls Jeux, jusqu’au 30 juin 2025. Le gouvernement considère qu’il faudra quelques mois d’utilisation dans le cadre d’autres événements (sportifs, festifs, culturels) exposés à des risques d’actes terroristes ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes pour pouvoir faire un bilan du fonctionnement de cet outil. « Gérer les mouvements de foule »
Avec ces « algorithmes intelligents, mais anonymisés, on peut gérer les mouvements de foule dans les transports », avait expliqué la ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques, Amélie Oudéa-Castéra, le 12 octobre devant les sénateurs. Newsletter « Sport » Enquêtes, reportages, analyses : l’actualité du sport dans votre boîte e-mail chaque samedi S’inscrire
« Il s’agit de cibler non pas tel ou tel individu, mais des personnes répondant à tel signalement, ou encore des catégories de gestes, comme la dégradation de biens publics », avait détaillé, quelques jours plus tard au Sénat également, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.
Le texte du projet de loi précise en l’occurrence qu’il s’agit, avec ces traitements algorithmiques, de procéder « exclusivement à un signalement d’attention, strictement limité à l’indication du ou des événements qu’ils ont été programmés pour détecter ». L’utilisation de cet outil ne pourra déboucher sur « aucune décision individuelle ou acte de poursuite ».
Si Mme Oudéa-Castéra a assuré que ces dispositifs devront être examinés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le Conseil d’Etat, ils apparaissent tout aussi « graves » que la reconnaissance faciale, en matière de libertés publiques, aux yeux de certains spécialistes de ce sujet.
« C’est une surveillance biométrique de tout le monde, tout le temps. Ces logiciels permettent de faire des analyses très poussées des personnes », a fait valoir, dans un entretien au Parisien le 26 novembre, Bastien Le Querrec, juriste et membre de La Quadrature du Net, disant redouter que les Jeux ne soient qu’un galop d’essai qui se prolonge.
Le projet de loi autorise aussi l’utilisation des scanners corporels dans les stades, comme c’est le cas dans les aéroports, et renforce l’arsenal des sanctions pénales avec des interdictions judiciaires de stade qui seront « désormais une mesure complémentaire obligatoire et non plus facultative pour un certain nombre d’infractions liées à des violences ou perturbations lors de rencontres sportives ». Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Jeux olympiques 2024 : le « défi sécuritaire » de la cérémonie d’ouverture sur la Seine Ouverture des commerces le dimanche
Autre sujet « sensible » : le travail dominical dans les commerces. Le projet de loi vise à autoriser, entre le 1er juin et le 30 septembre 2024, les commerçants des communes accueillant des sites de compétition ainsi que des communes situées à proximité, d’ouvrir le dimanche durant la période des Jeux. Cela ne pourra se faire que sur la base du volontariat des salariés et en s’inscrivant dans le cadre du droit du travail pour ce qui concerne les rémunérations (deux fois le salaire).
Pour Paris, cette demande avait notamment été formulée par Florence Berthout, la maire (Horizons) du 5e arrondissement. « Il faut que tout le monde puisse en profiter, qu’il n’y ait pas une distorsion de concurrence entre ceux qui sont dans les bonnes zones [zones touristiques internationales] et les autres, entre grandes enseignes et tout petits commerces », a plaidé l’élue, mi-novembre, au Conseil de Paris.
Ne cachant pas que son objectif est que la période test des Jeux puisse déboucher sur quelque chose de durable, elle a reçu l’appui d’Olivia Grégoire, qui, « en tant que ministre du commerce, en tant qu’élue de Paris », s’est dite, le 11 décembre sur France 3, « favorable à ce que nos commerces puissent ouvrir tous les dimanches dans le cadre des Jeux olympiques ».
Quant à la possibilité d’aller au-delà des Jeux et de modifier la loi qui autorise les commerces à ouvrir douze dimanches dans l’année, la ministre a déclaré y être « favorable », tout en précisant que « ce n’est pas à l’ordre du jour ». Licences pour les taxis adaptés aux personnes handicapées
Le projet de loi propose aussi que certaines règles régissant la publicité soient mises entre parenthèses durant les trois mois du relais de la flamme olympique (à partir d’avril 2024). Il s’agira de permettre aux sponsors de cette opération (dont Coca-Cola) de disposer de panneaux publicitaires à proximité de monuments historiques, quinze jours en amont du passage de la flamme et sept jours après. Lire aussi : Article réservé à nos abonnés JO 2024 : le relais de la flamme mobilisera une soixantaine de départements, mais son coût suscite des tensions
En matière de transports, c’est à la création de nouvelles licences de taxis que le gouvernement veut procéder : celles-ci concerneront ceux qui se seront équipés spécifiquement pour transporter des personnes handicapées.
La mesure viendra compléter le plan d’aide visant à rendre mille taxis accessibles aux personnes en situation de mobilité réduite – il n’y en a que deux cents référencés actuellement –, l’accessibilité étant l’un des engagements forts des organisateurs des Jeux et des pouvoirs publics.