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Sexisme. En Chine, le fléau des mannequins sexualisés crée par l’IA
Le recours à l’intelligence artificielle tend à amplifier les “préjugés culturels” qui existent déjà dans la société chinoise, déplore “Sixth Tone” : les top-modèles y font notamment face à la concurrence de robots générés par une IA de type “poupée”.
“Les robots générés par intelligence artificielle, aux yeux de biche et à la poitrine généreuse, sont en passe de remplacer les mannequins humains dans les magazines, les catalogues et les campagnes publicitaires en ligne”, constate le média en ligne chinois Sixth Tone.
Ces derniers mois, les images générées par l’intelligence artificielle ont pris d’assaut l’industrie chinoise de la mode. Sur les réseaux sociaux chinois, le hashtag “#AIModel” a été consulté des millions de fois.
Mais derrière cet engouement se cache un véritable fléau. Selon Sixth Tone, “tous les mannequins IA, sans exception ou presque, répondent à un certain idéal de beauté féminine, très sexualisé, qui fait la part belle aux tailles de guêpe, aux hanches larges et aux décolletés aguichants. De nombreuses Chinoises affirment que ces images les dérangent et craignent que la mode assistée par IA ne renforce des critères de beauté malsains et irréalistes.”
Une technologie qui s’est imposée rapidement en Chine
Les top-modèles créés à l’aide de l’intelligence artificielle ne sont pas propres à la Chine, et le concept n’est pas nouveau. Levi’s a récemment lancé une campagne présentant des images générées par IA, tandis qu’une “top-modèle IA” a fait la couverture de l’édition singapourienne de Vogue en mars. Mais la technologie s’est imposée beaucoup plus rapidement en Chine que dans la plupart des autres pays, remarque le média basé à Shanghai.
En 2020, le géant chinois du commerce électronique Alibaba a ainsi introduit un générateur numérique de mannequins sur ses plateformes, rapporte Sixth Tone. Cet outil gratuit, baptisé Taji, permet aux vendeurs de choisir parmi 100 top-modèles virtuels de différents âges et ethnies. Ils peuvent ensuite télécharger les photos de leurs produits et Taji génère une série d’images du mannequin portant les vêtements figurant sur les photos.
Mais ces top-modèles issus de l’IA se ressemblent souvent étrangement, déplore le média chinois. La plupart du temps, il s’agit de femmes blanches aux yeux bleus, aux cheveux blonds et aux longues jambes, ou de mannequins asiatiques aux yeux immenses, à la forte poitrine et à la silhouette élancée.
Dégâts sociaux
Les experts soulignent, auprès de Sixth Tone, qu’il s’agit là d’une caractéristique des contenus générés par l’IA : l’outil tend à amplifier les “préjugés culturels” qui existent déjà dans la société.
“Les spécialistes de la question de l’égalité des sexes s’inquiètent des dégâts sociaux que pourraient causer les mannequins de type ‘poupée’ issus de l’IA, explique Sixth Tone. La Chine enregistre déjà une flambée des troubles alimentaires chez les adolescentes et les jeunes femmes, encouragée par les ‘défis beauté’ extrêmes, qui font fureur sur les réseaux sociaux.”
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Xu Ke, une étudiante en master à l’Académie chinoise des arts, constate qu’il y a de plus en plus de femmes qui s’élèvent contre le problème du regard masculin. “Peut-être qu’à l’avenir, espère-t-elle, quand davantage de femmes s’impliqueront dans la création de contenu par IA, elles formeront des modèles d’apprentissage automatique qui correspondront à une optique féministe.”