La chute du bitcoin, un “coup mortel” pour le Salvador ?https://www.courrierinternational.com/article/analyse-la-chute-du-bitcoin-un-coup-mortel-pour-le-salvador
Analyse. La chute du bitcoin, un “coup mortel” pour le Salvador ?
Alors que la plus célèbre des cryptomonnaies ne cesse de perdre de la valeur, le pays d’Amérique centrale, qui en a fait une devise officielle en 2021, se retrouve pris à la gorge. Pourra-t-il payer ses dettes ? s’interroge la presse de la région.
Où s’arrêtera la chute ? Déjà mal en point depuis des mois, le bitcoin, la plus célèbre des cryptomonnaies, a perdu 21 % de sa valeur la semaine dernière. L’une des raisons est la faillite, vendredi 11 novembre, de la plateforme de cryptofinance FTX, où s’échangeaient les cryptomonnaies.
Mais cette baisse n’est pas la seule. “C’est seulement la plus récente. Le bitcoin part en piqué depuis la fin de l’an dernier”, écrit Isabella Cota, chef du service économie pour l’Amérique latine du site El País México.
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La journaliste cite Ricardo Castaneda, économiste à l’Institut d’Amérique centrale des études financières :
“Les pertes de la semaine dernière représentent quasiment un coup mortel porté à l’adoption massive de cryptomonnaies au Salvador.”
En septembre 2021 en effet, le plus petit pays d’Amérique centrale, sous l’impulsion de son jeune et très populaire président Nayib Bukele, avait décidé d’adopter le bitcoin comme monnaie officielle – aux côtés du dollar. Avec des achats censés grossir le budget de l’État.
“L’échec est patent”
Dans un article d’opinion écrit la veille de la chute de FTX, le site Elsalvador fait rapidement le calcul :
“Le 3 novembre 2021, un bitcoin atteignait la valeur de 68 991 dollars ; mercredi 9 novembre il valait 16 686 dollars [16 172 ce 15 novembre]. L’échec est patent.”
Le correspondant à San Salvador de CNN Español cite une étude de l’Institut d’opinion de l’université d’Amérique centrale, selon laquelle “75,6 % des sondés affirment n’avoir jamais utilisé le bitcoin pour faire des achats, tandis que 77,1 % estiment que le gouvernement ne devrait plus investir de fonds publics pour acheter cette cryptomonnaie”.
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En fait, personne ne sait exactement combien le gouvernement de Nayib Bukele a investi dans le bitcoin. Les seules estimations se réfèrent à son compte Twitter, qui sert généralement au président à annoncer ses décisions. Selon le site Nayibtracker, ces achats ont représenté 107 millions de dollars, qui n’en vaudraient plus aujourd’hui que 40 millions. Ce qui est loin d’être anodin, pour Ricardo Castaneda :
“[Ces pertes] représentent par exemple la quasi-totalité du budget du ministère de l’Agriculture, dans un pays où l’insécurité alimentaire frappe la moitié de la population.”
Le temps presse
S’il n’a pas réagi à la récente chute du bitcoin, Nayib Bukele a l’habitude de répéter que ces achats ne sont pas des pertes mais des investissements pour l’avenir, quand le cours de la cryptomonnaie remontera.
Mais le temps presse. “En janvier, le gouvernement va devoir faire face au remboursement de 800 millions de dollars [à des investisseurs étrangers]”, écrit le quotidien La Prensa Gráfica, qui signale que l’an dernier, le gouvernement était en négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) pour un prêt de 1,3 milliard de dollars.
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Mais, “après l’adoption du bitcoin, les relations se sont refroidies”. Le FMI a toujours averti des risques encourus par le Salvador après que Nayib Bukele a misé sur la cryptomonnaie.
Pour le site Elsalvador, il n’y a pas de doute :
“Combien d’écoles n’ont pas été construites, combien d’hôpitaux n’ont pas pu être rénovés à cause du bitcoin ? Combien de promesses n’ont pas pu être tenues ? […] Quelque chose sent très mauvais.”
Article publié dans le Courrier International