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Médias : les premières expériences 100 % IA
Certains sites expérimentent l'utilisation de robots conversationnels pour écrire tout leur contenu et se revendiquent comme tels. A l'inverse, d'autres le cachent, provoquant de l'inquiétude.
Par Marina Alcaraz
Publié le 1 déc. 2023 à 13:43Mis à jour le 6 déc. 2023 à 17:59
Dans la présentation du site, il y a leurs parcours, leurs centres d'intérêt, leurs photos… Ils ont un style bien à eux, et des couvertures de sujets spécifiques. Carine Gravée, Vianney Garet, Nina Gavetière ont des noms, mais ne sont pas réels : ce sont des journalistes-robots créés de toutes pièces.
Certains sites réalisés entièrement par l'intelligence artificielle (IA) commencent à apparaître. Certes, pour l'heure, les initiatives restent limitées. Mais certains tentent de créer une niche, d'expérimenter un nouveau mode de création des contenus, en le revendiquant clairement… ou pas.
Magazine en kiosque
C'est par exemple le cas du magazine (papier et Web) « LHC - Les Heures Claires », qui se présente comme le premier magazine français généré à 99 % par l'IA, lancé il y a quelques semaines. Comme un support classique, il comporte des actualités, des interviews (avec des questions posées par un robot), des pages consacrées à la mode ou un horoscope.
A la manoeuvre, Rémy Rostan, ancien photographe. « Je suis toujours assez surpris par ce que propose ChatGPT », avoue-t-il. Le magazine sponsorisé par Easy Partner, cabinet de recrutement spécialisé dans le numérique, a vocation à être lancé en kiosque au printemps avec une fréquence mensuelle. « Je vise la communauté des technophiles et des curieux », explique Rémy Rostan, qui espère atteindre les 20.000 ventes.
Autres exemples : Tech Generation et Cuisine Generation, lancés au printemps par un consultant spécialisé en innovation chez Viseo, Ari Kouts. Il a connecté le site tech avec différents journaux spécialisés dans ce secteur, comme TechCrunch. Chaque « journaliste » fictif (qui a son style bien à lui) reprend donc des articles de presse sur des sujets d'actualité (la crise chez OpenAI, des déclarations de Musk…), les réécrit en donnant la source et ce, sans aucune intervention humaine. Au final, quelques incohérences, des maladresses mais des articles qui ressemblent à certains billets de blogs.
Dans la cuisine, les « chefs » imaginent plusieurs recettes « et bon nombre sont plausibles et même bonnes, même si les temps de cuisson sont approximatifs », estime Ari Kouts. C'est plus à titre d'expérience que le consultant a lancé ces « médias », sans volonté de les monétiser. « Cela permet aussi de rappeler l'intérêt de l'analyse, de l'enquête journalistique que des robots ne peuvent pas faire », assure-t-il.
Les deux sites ont une petite audience (autour de 3.000 visites par mois) et ressortent quelquefois dans Google News ! Même si la probabilité est faible, dans ce cas, puisqu'il s'agit d'une expérimentation un peu comme un jeu, « les sources primaires pourraient empêcher ce type de pratiques en invoquant le parasitisme, c'est-à-dire s'approprier la valeur d'un article », indique Julien Guinot-Deléry, avocat chez Gide.
Craintes des professionnels
Mais il existe aussi des sites dont le mode de production a été passé sous silence. « Dans un groupe de travail de la Commission paritaire des publications et agences de presse, la crainte qu'il y ait des sites avec une forte composante d'IA a été évoquée », dit un professionnel. « On a tous ce risque en tête », appuie Pierre Pétillault, directeur de l'Alliance de la presse d'information générale.
Dans une étude récente, Newsguard a identifié foule de sites avec des articles réécrits avec l'IA (presque 600 à fin novembre !), sans supervision humaine. Et dans nombre de cas, ils bénéficient de publicité programmatique. Aux Etats-Unis, « Sports Illustrated » ou « TheStreet » (Arena Group) ont été pointés par une enquête du média Futurism. Des articles auraient été écrits par des IA et de faux profils de journalistes créés (avec les images achetées sur un site proposant des photos générées par IA), ce qui a provoqué la colère des journalistes. Le groupe de médias s'est défendu, indiquant avoir acheté certains papiers à une agence.